« Au moment où j’écris ces lignes, je ne peux pas ne pas me souvenir d’un échange chaleureux, il n’y a pas si longtemps, avec un ami originaire du nord, qui m’édifiait sur une sagesse immuable de son grand père, puisée au plus profond de la cosmogonie ntumu, lorsque que celui-ci était amené à trancher quelques litiges familiaux. « Mame kobe, mame wok », c’est-à-dire « c’est moi qui parle et je me comprends », comme pour s’étonner de l’attitude de son auditoire qui ne semblait pas se soucier de ce qu’il leur disait. J’ai l’impression d’être habité par cette belle lumière du grand père de mon ami, suite au « délire du microcosme » qui a semblé gagner les chourineurs de la République, après la publication de mon éditorial paru lundi dernier sous le titre : « La tyrannie du catenaccio ».
On m’a collé toutes les étiquettes possibles, d’être contre le régime (la bonne blague !), qu’on me « couperait les jarrets », quand ce ne sont pas les membres de la parentèle occupant quelques positions au niveau de l’establishment, qui sont menacés de représailles. Mon crime : m’être inquiété du climat global anxiogène qui traverse le Gabon et d’avoir prôné un dialogue constructif pour juguler les crises qui semblent s’installer dans la durée, afin que l’on revienne à un fonctionnement harmonieux du pays.
Même sous le Parti unique, jamais on n’avait atteint un tel degré d’intolérance et d’intimidation, dans lequel le moindre avis contradictoire vous expose à terminer vos jours dans des basses fosses, écarté, humilié, brisé moralement. Ne faut-il pas craindre dans ces conditions un dévoiement de notre démocratie ? Les compromis sont d’essence bantoue, africaine et les litiges se règlent au corps de garde, sous l’arbre à palabres. Les échanges sont parfois houleux, mais on finit toujours par trancher dans un esprit de consensus qui préserve la paix des familles et l’unité du village.
En quoi est-ce que demander que le Président de la République ne soit pas pris en otage par certains de ses collaborateurs, en vue de sauvegarder la proximité avec son peuple, serait-il une manifestation d’hostilité envers le régime ? Nous l’avons souvent dit et écrit en d’autres temps, on n’enferme pas un chef, on ne l’isole pas et on ne le coupe pas de ses compatriotes. Il doit écouter tout le monde, ce qui lui permet de se forger une opinion de la situation réelle du pays et de concevoir des mesures qui répondent aux aspirations des populations. Il faut libérer le chef de l’Etat plutôt que l’isoler, comme c’est présentement le cas, pour des objectifs qui ne sont pas forcément les siens.
Aux sources du pouvoir, c’est-à-dire à la Présidence de la République, il y a un chef, un seul, qui s’appelle Ali Bongo Ondimba et c’est en ce lieu hautement stratégique que se joue le destin du Gabon. Comme disait feu le Président français Jacques Chirac, « un chef c’est fait pour « cheffer ». Les Gabonais n’attendent que ça, être dirigés par le Président de la République gabonaise, qui doit reprendre les choses en mains pour conjurer les incertitudes, les inquiétudes et les doutes. Pour rassurer un pays anxieux et une population devenue mélancolique. Pour construire des politiques de développement qui réduisent les ruptures de solidarité.
A la génération spontanée née avec la menace à la bouche, qui m’a traité de tous les noms d’oiseaux et instruit un procès de Moscou, j’aimerais dire « c’est jeune et ça ne sait pas ». Et leur conseiller de méditer sur une phrase pleine de profondeur, prononcée autrefois par un ancien dignitaire de notre pays. Préfet de la région de l’Ogooué-Lolo, feu Jean Arsène Bounguendza avait convié les élèves des établissements scolaires de la ville de Koula-Moutou, pour leur prodiguer des conseils d’usage. Il termina son prêche par ces mots dont je me souviens, comme si c’était hier : « Pour s’être frayé un chemin seul, l’Ogooué n’est que méandre».